Le Marais perd une de ses figures historiques : Agathe Gaillard, pionnière de la valorisation de la photographie contemporaine, s’est éteinte le 13 juin 2025 à l’âge de 83 ans.
Son nom reste indissociable du 3 rue du Pont Louis-Philippe, adresse mythique où, en 1975, elle ouvrait la première galerie française exclusivement consacrée à la photographie. Cet art alors considérée comme mineur est porté avec passion par Agathe Gaillard. Fin des années 1960, elle œuvre sans relâche pour que le tirage photographique soit reconnu comme œuvre d’art à part entière, à une époque où la photographie peinait à s’imposer dans les cimaises parisiennes.

En 1968, elle publie ses premières cartes postales « Chefs-d’œuvre de la photographie », tirées à 600 000 exemplaires, lançant une carrière de passeuse d’images qui ne cessera jamais.
Choquée de constater la rivalité entre l’écrit et la photographie elle conçoit un lieu pour cet art perçu comme l’illustration de ce qui était dit. Elle prend le parti pris des photographes qui se plaignent que les journaux censuraient leurs photos en les recadrant ou en ajoutant des légendes.
C’est ainsi qu’est née une galerie qui leur est dédiée « Je trouvais que ce n’était pas normal, qu’il fallait faire quelque chose pour que la photographie soit respectée et soit reconnue comme une forme de pensée et de création. J’ai eu cette idée que si l’on montrait la photographie comme œuvre d’art, peut-être qu’on la regarderait comme telle, autrement. »

Dans le Marais, la galerie Agathe Gaillard devient un lieu incontournable pour les amateurs, les collectionneurs et les artistes. Elle expose les grands noms : André Kertész, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Édouard Boubat, mais aussi des talents émergents, toujours avec un œil aiguisé et une parole directe. Son engagement ne s’arrête pas aux cimaises : elle cofonde l’Association pour la Défense et la Promotion de la Photographie originale et accompagne la donation de l’œuvre d’André Kertész à l’État français.
Après avoir dirigé la galerie jusqu’en 2017, Agathe Gaillard passe le flambeau à la Galerie Rouge, qui poursuit aujourd’hui son héritage. Son fonds d’archives, riche de correspondances, d’invitations et de photographies, est désormais conservé à la Bibliothèque Kandinsky du Centre Pompidou, témoignant de sa place centrale dans l’histoire de l’art et du quartier du Marais.
Agathe Gaillard laisse derrière elle le souvenir d’une femme de conviction, qui a transformé un local du Marais en lieu de mémoire et de création, et qui, jusqu’au bout, aura défendu la photographie comme art vivant. Le quartier perd un repère, la photographie une légende, Paris une de ses plus grandes ambassadrices culturelles.
Texte : Katia Barillot
03.07.25