A la toute fin du XIIe siècle, le roi de France Philippe-Auguste (1165-1223) part pour la croisade. Bien que l’expédition – qui doit durer un an – se fasse en compagnie du roi d’Angleterre Richard Cœur-de-Lion, Philippe-Auguste se méfie des appétits anglais pour son royaume.

Il décide donc, avant de se mettre en route, de renforcer les défenses de la plupart des grandes villes de France, Paris en premier lieu.

C’est une nouvelle enceinte entourant la capitale qui va donc voir le jour, sur la rive droite comme sur la rive gauche ; un mur haut et épais, englobant une ville qui s’est considérablement étendue au Moyen Âge, succède ainsi à deux fortifications plus anciennes et plus modestes : le rempart gallo-romain et la muraille du XIe siècle.

Plan de Paris, Plan de Braun et Hogenberg, 1572

Le chantier est lancé en 1190. Il va se terminer en 1215. A cette date, l’enceinte de Philippe-Auguste mesure plus de 5 kms de long, de part et d’autre de la Seine. Elle est ponctuée de quelques portes fortifiées donnant accès à la ville et de soixante-dix-sept tours rondes posées tous les soixante mètres environ.

A l’ouest, la forteresse du Louvre ferme le « dispositif », empêchant une invasion par la Seine. A l’est, dans le Marais, c’est la tour Barbeau, au niveau du quai des Célestins, qui assure le contrôle du fleuve.

La création de l’enceinte permet de « fixer » pour un temps les frontières de la capitale. A l’intérieur d’une zone faisant désormais 272 ha, et qui englobe maisons, palais, couvents, églises, jardins et champs, le tissu urbain se redessine : des voies nouvelles sont créées, notamment aux abords intérieur et extérieur de la muraille.

Au fil du temps toutefois, les faubourgs, au-delà du mur, se construisent et se densifient, rendant finalement l’enceinte de Philippe-Auguste inutile voire encombrante (elle sera détruite au XVIe siècle, sous François Ier).

Malgré son démantèlement, la muraille est encore visible dans plusieurs quartiers de Paris, spécialement dans le Marais.

Si des portions de mur ou de tours sont malheureusement difficiles d’accès (propriétés privées, sous-sol, caves, parkings…) d’autres sont en revanche parfaitement visibles, ou se devinent d’après le tracé de certaines rues du quartier, ainsi que nous allons le voir maintenant.

Commençons à l’extrémité Est : à partir de la tour Barbeau citée plus haut, à hauteur du 32 quai des Célestins, la muraille file vers le nord. Plusieurs portions de l’enceinte étaient encore en place au 20e siècle dans ce secteur.

La plupart ont malheureusement disparu dans des démolitions (immeubles vétustes ou frappés d’alignement, constructions modernes), mais une très belle section demeure néanmoins, en regard des n° 5 à 21 de la rue des Jardins-Saint-Paul, une voie qui emprunte d’ailleurs l’ancien tracé extérieur de la muraille.

Vestiges du mur et de deux des tours de l’enceinte rue des jardins Sant-Paul, ©Anaïs Costet

Jusqu’à la seconde guerre mondiale, cette voie du Marais était bâtie des deux côtés mais en 1946 décision est prise d’abattre les maisons du côté pair, des bâtiments qui à l’origine relevaient de l’ancien couvent de l’Ave Maria.

Cette démolition laisse alors réapparaître la muraille médiévale. La surface libérée devient terrain de sport pour le lycée Charlemagne.

L’enceinte, elle, est restaurée, telle qu’on peut la voir encore aujourd’hui : sur cent vingt mètres de long, un mur de six à sept mètres de haut (à l’origine plutôt neuf) ponctué de deux tours fragmentaires donne une première idée de ce qu’était la muraille du XIIIe siècle.

Il y manque cependant les créneaux, les archères pour les arbalétriers et le chemin de ronde intérieur. Le mur dans ses fondations fait 3 m d’épaisseur, 2,5 m à sa base et environ 2 m à son sommet. Il est résistant et peut supporter les attaques de projectiles ou le travail de sape.

Son principe de construction est parfaitement visible dans les sous-sols du Louvre médiéval : entre deux rangs de pierres calcaires épaisses et ajustées (parements intérieur et extérieur), les maçons ont coulé un solide mélange de moellons et de mortier.

La première tour fait partie des soixante-dix-sept constructions édifiées le long de l’enceinte ; celle à l’angle de la rue Charlemagne, dite « tour Montgomery », est un vestige de la poterne Saint-Paul, une « percée » qui donnait accès aux jardins et aux faubourgs de l’Est.

L’enceinte de Philippe Auguste avant et après la démolition des immeubles rue des Jardins Saint-Paul en 1946

La muraille « traverse » ensuite le lycée Charlemagne, longe le côté ouest de l’église Saint-Paul-Saint-Louis, jusqu’à la rue Saint-Honoré. Au croisement se trouvait une des grosses portes fortifiées de l’enceinte (ce qui explique aujourd’hui la largeur de la rue à cet endroit) : la porte Saint-Antoine, dite aussi porte Baudoyer.

Puis l’enceinte de Philippe-Auguste remonte la rue de Sévigné, jusqu’à l’actuelle caserne des sapeurs-pompiers. Là, elle fait un coude vers le nord-ouest.

On la retrouve rue des Rosiers, un axe qui suit à peu près le chemin intérieur de la muraille ; on en a d’ailleurs un joli témoignage, à l’entrée du jardin des Rosiers-Joseph-Migneret : c’est une autre tour, fragmentaire, dont on ne voit plus que la partie basse et qui a servi un temps de chapelle à l’hôtel d’Albret tout proche, ainsi que le décor des murs l’indique aujourd’hui.

Vestige de l’enceinte dans le jardin des Rosiers-Joseph-Migneret, ©Anaïs Costet

Puis l’enceinte continue vers la rue des Francs-Bourgeois, en passant par l’école sise au 10 rue des Hospitalières-Saint-Gervais (une portion de mur est visible dans la cour) puis par la rue du Marché-des-Blancs-Manteaux qui en épouse le tracé. Une nouvelle porte, dite « poterne Barbette » était placée à l’intersection de la rue Vieille-du-Temple ; elle donnait accès au Temple et à Ménilmontant.

Filant ensuite sous le square (des vestiges existent dans le sous-sol) puis à travers le chœur de l’église des Blancs-Manteaux, la muraille est à nouveau visible à l’intérieur des bâtiments du Crédit Municipal. Dans la cour principale, un marquage au sol permet d’en deviner le tracé.

Ce marquage conduit en outre, à l’extrémité ouest de l’édifice, à une autre tour fragmentaire, découverte dans les démolitions / reconstructions de 1880. Depuis la rue, on en aperçoit seulement la partie haute, refaite en briques et posée sur la base d’origine en pierre.

Vestige de l’une des tours de l’enceinte dans le Crédit Municipal, ©Anaïs Costet

La muraille croise ensuite la rue des Archives (à l’intersection se trouvait la « porte de Chaume » allant vers l’enclos du Temple), puis la rue Rambuteau ; à hauteur des numéros 5 et 8, les services parisiens de la voierie ont d’ailleurs souligné son tracé par un pavage différent (une plaque sur le mur le rappelle également).

Au-delà, l’enceinte médiévale emprunte le passage Saint-Avoye (privé), traverse la rue du Temple, longe le « mur renard » (sud) de la cour du musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, ferme l’extrémité de l’impasse Berthaud pour arriver enfin à la rue Beaubourg.

De là, elle continue son chemin, au-delà du Marais, vers les portes Saint-Denis et Montmartre avant de redescendre, via la porte Saint-Honoré, jusqu’au Louvre.

L’enceinte de Philippe Auguste, ©Paris Atlas Historique

 

Texte : Michel Setan – Instagram
Photo de une : ©Anaïs Costet

19.02.20

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