Entrée de la prison de la Force

A l’angle de la rue Malher et de la rue Pavée, le passant attentif aura peut-être remarqué quelques pierres dépassant étrangement du mur, comme en laisserait une construction inachevée.

Ces blocs superposés au décor vermiculé sont en fait les vestiges d’un lieu tristement célèbre du Marais : la prison de la Force, dont les bâtiments allaient, grosso-modo, de l’actuelle bibliothèque historique de la ville de Paris (hôtel de Lamoignon) à la rue du roi-de-Sicile.

Les bâtiments n’ont cependant pas toujours été une prison : dans la 1ère moitié du XVIIIe siècle, ils abritent au contraire un des plus beaux hôtels particuliers du quartier. Le duc de la Force en est le propriétaire jusqu’en 1715 ; puis ce sont les frères Pâris, des financiers et collectionneurs avisés, qui l’occupent jusqu’en 1754. A cette date, l’Etat s’en porte acquéreur, avec l’idée d’y créer une école militaire. Renonçant à ce projet il y installera finalement diverses administrations.

Trace du mur de la prison de la Force (angle de la rue Pavée et de la rue Malher)
Entrée de la prison de la Force

En 1780, c’est une «prison modèle» qu’on aménage dans cet hôtel particulier, afin d’y enfermer les condamnés à de petites peines, en lien avec des délits mineurs (pour dettes notamment). En outre – nous sommes au siècle des Lumières, une époque où l’on s’intéresse, entre autres choses, aux conditions de détention dans les prisons de la Couronne – ces condamnés sont soumis à un régime carcéral plus «confortable» qu’ailleurs : ici, plus de cachots mais des chambres à quatre lits, voire une cheminée, pour les plus riches ; dortoirs avec lits à matelas, couverture et chauffoir commun pour les plus pauvres ; promenade, infirmerie et repas pour tous.

En 1785, la Force s’agrandit. Après l’annexion et l’adjonction de nouveaux bâtiments au nord, on distingue désormais la «Grande» de la «Petite» Force, la première destinée aux hommes, la seconde aux femmes. Celles-ci sont principalement des «filles publiques».

Prison de la Petite Force

Les «grandes heures» de la Force sont hélas aussi parmi ses plus douloureuses : sous la Révolution, des «suspects», des aristocrates, des prêtres, des ennemis déclarés ou supposés du régime sont enfermés là. En 1792 ont lieu les «massacres de septembre», au cours desquels plusieurs prisonniers sont extirpés de leurs cellules et sont exécutés sommairement par une foule inquiète, enflammée par les rumeurs de complots royalistes et l’invasion austro-prussienne.

A La Force, la victime la plus célèbre de ces massacres est sans doute la princesse de Lamballe, surintendante de la maison de la Reine : décapitée sauvagement sur une borne, en face même de la porte de la prison, sa tête sera ensuite promenée sur une pique dans la capitale, jusque sous les fenêtres de Marie-Antoinette au Temple.

« Les prisonniers de la Force massacrés par les sans-culottes », A Tale of Two Cities, Charles Dickens

La Force demeure une prison jusqu’au milieu du XIXe siècle. Vétuste, enserrée dans le quartier du Marais, elle est finalement fermée puis détruite. A la place, on perce alors la rue Malher et l’on vend les différentes parcelles comme terrains à bâtir. La majorité des immeubles qu’on peut encore voir aujourd’hui date de cette époque. Toutefois, malgré sa destruction, la «mémoire» de la Force reste vive, à travers la littérature notamment. On en trouve ainsi mention dans plusieurs romans extrêmement populaires : Les Mystères de Paris d’Eugène Sue, Le Comte de Monte Cristo d’Alexandre Dumas, Splendeurs et misères des courtisanes d’Honoré de Balzac et Les Misérables de Victor Hugo.

 

Détenus célèbres

Jean Sylvain Bailly (1736 – mort guillotiné le 12 novembre 1793 à Paris), mathématicien, astronome, littérateur et homme politique français, il a été le premier maire de Paris.

Pierre-Jean de Béranger (1780-1857) est un chansonnier français prolifique qui remporta un énorme succès à son époque.

Auguste Blanqui, surnommé «l’Enfermé» (1805-1881) est un révolutionnaire socialiste français, souvent associé à tort aux socialistes utopiques.

Edme-Samuel Castaing (1796 – guillotiné le 6 décembre 1823), est un médecin et criminel français. Célèbre empoisonneur, il est considéré comme le premier meurtrier connu à assassiner à l’aide de morphine.

Louis-Augustin-François Cauchois-Lemaire dit Lemaire (1789-1861) est un écrivain politique et polémiste français.

Pierre Choderlos de Laclos (1741-1803) est un officier de carrière qui a traversé la Révolution française et a beaucoup écrit sur des sujets très divers, il est surtout connu comme l’auteur du roman épistolaire Les Liaisons dangereuses.

Victor Fanneau de La Horie (1766 – fusillé le 29 octobre 1812 à Paris), est un général français.

Évariste Galois (1811-1832) est un mathématicien français. On a donné son nom à une branche des mathématiques dont il a posé les prémices, la théorie de Galois.

Martin Garat, premier baron Garat (1748 – 1830) est un administrateur français des XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles, gouverneur de la Banque de France. Garat est qualifié de «cheville ouvrière» de la banque et de «fondateur de l’ordre admirable qui règne dans les écritures» par le gouverneur Jaubert dans un rapport de 1810.

Pierre-François Lacenaire (1803 – guillotiné le 9 janvier 1836 à Paris), est un escroc et criminel français qui défraya la chronique.

Madame de Lamballe Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe, dite «Mademoiselle de Carignan» ou «Madame de Lamballe» (1749-1792) est une princesse de la Maison de Savoie.

Claude-Nicolas Ledoux (1736 – 1806) est un architecte, urbaniste et utopiste français très actif de la fin de l’Ancien Régime, il fut l’un des principaux créateurs du style néoclassique. La plupart de ses constructions ont été détruites au XIXᵉ siècle.

Simon-Nicolas-Henri Linguet (1736 – guillotiné le 27 juin 1794 à Paris), est un avocat homme de lettres et propriétaire terrien, à la fois opposé aux philosophes, aux jansénistes et surtout au libéralisme économique mis en place par la Révolution dont il dénonça avec virulence les conséquences selon lui désastreuses pour les classes laborieuses.

Aimé Picquet du Boisguy (1776 – 1839) est un militaire français et un général chouan pendant la Révolution française.

Les quatre sergents de La Rochelle sont des jeunes soldats français, accusés sous la Restauration d’avoir voulu renverser la monarchie et guillotinés en place de Grève le 21 septembre 1822.

Pierre-Victurnien Vergniaud (1753 – guillotiné le 31 octobre 1793 à Paris avec vingt et un autres députés girondins), avocat, homme politique et révolutionnaire français. Il fut l’un des plus grands orateurs de la Révolution. Président à plusieurs reprises de l’assemblée législative et de la convention nationale, c’est lui qui déclara la «patrie en danger» (discours du 3 juillet 1792). C’est également lui qui prononça la suspension du roi le 10 août 1792 et le verdict qui condamna Louis XVI à la mort.

 

Texte : Michel Setan – Instagram

30.09.19

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