Place de la Bastille, Theodor Josef Hubert Hoffbauer, 1841

La prise de la Bastille est un des événements majeurs de notre Histoire. C’est le point de départ d’une « Révolution » totale et nouvelle qui, rappelons-le quand même, donne naissance à notre toute première « République française ».

Les Parisiens qui se sont mis en marche en ce 14 juillet 1789, et qui, depuis le Marais, remontent la rue Saint-Antoine en direction de la vieille forteresse médiévale ont en tête d’entrer, de gré ou de force, dans l’édifice afin de s’y procurer des armes. La Bastille, arsenal et prison, est aussi source de fantasmes : en plus de récupérer fusils, poudre et canons, les révolutionnaires espèrent libérer les « nombreux » prisonniers qui se trouvent là, du fait de « l’arbitraire royal ».

Cependant, lorsque la Bastille est prise, c’est une déception : ce ne sont que sept personnes qu’on découvre dans les geôles du château : quatre escrocs et faussaires, un noble condamné pour débauche, et deux fous qui, presqu’aussitôt, sont de nouveau enfermés, à Charenton cette fois… La prise est maigre, mais enfin l’acte est fort ; il le sera d’autant plus par la suite, enjolivé par l’imagerie révolutionnaire.

Dès le lendemain, la démolition de la forteresse commence et comme, même en ces temps d’abolition des privilèges, il n’y a pas de petits profits, c’est en entrepreneur privé qui se charge de la destruction : le sieur Palloy revendra, avec bénéfices, les pierres du bâtiment, mais aussi plusieurs « souvenirs » récupérés dans l’édifice.

Le chantier de destruction va durer deux ans : en mai 1791, la silhouette inquiétante de la Bastille a définitivement disparu, après avoir dominé l’horizon parisien pendant plus de quatre siècles.

La Prise de la Bastille, Jean-Pierre Houël, 1789

Estampe de la démolition de la Bastille, musée de la Révolution française, 1789

Tout commence en effet en 1370, sous le règne de Charles V, en pleine guerre de Cent Ans. Afin de protéger Paris des Anglais, le roi décide de construire un nouveau mur d’enceinte, rythmé de plusieurs bastions, dont un, plus massif et plus important que les autres : la Bastille (« bastille » dérive de « bastir / bâtir », qui donne également « bastide » en provençal et « bastillon / bastion » en français). Cette « Bastille », une porte fortifiée en vérité, est la clef de voûte du système imaginé par Charles V : elle ferme Paris à l’est (à l’ouest, le Louvre a la même fonction) et contrôle l’accès à la capitale depuis les faubourgs.

Elle assure en outre la sécurité du roi et de sa cour : Charles V réside alors au Marais, dans son nouvel « hôtel Saint-Pol » et se rend, de là, à la campagne, au château de Vincennes. La Bastille couvre alors une surface assez restreinte (68m x 37m, à l’ouest de la place actuelle, côté « Marais » donc) mais son aspect massif impressionne, avec ses huit tours et son donjon culminant à 24 mètres.

Le roi seul peut traverser le bâtiment pour sortir de Paris. Le peuple est prié, lui, de faire un détour, par une porte secondaire, percée dans la muraille au nord de la forteresse. La Bastille est alors tout à la fois barrière d’accès, ouvrage défensif, résidence royale, caserne et arsenal.

C’est au XVIe siècle qu’elle devient officiellement prison. Les premières geôles sont aménagées dans l’édifice. Son emprise au sol s’étend aussi, par l’adjonction à l’est d’un bastion triangulaire, aujourd’hui à hauteur de la Colonne de Juillet.

Au siècle suivant, Richelieu fait de la citadelle une prison « d’Etat », afin d’y enfermer les « ennemis de la Couronne ». C’est le début des « lettres de cachet » et des prisonniers « embastillés » sans procès, ce que pamphlets et libelles ne vont pas tarder à dénoncer.

Au « Siècle des Lumières » la critique s’amplifie tant à propos des emprisonnements arbitraires que de l’esthétique même du bâtiment. A une époque où, dans les hôtels particuliers du Marais, le « classicisme » le dispute au « rocaille », la vieille forteresse médiévale détonne, agace, dégoûte, au point qu’on envisage déjà, sous Louis XVI, sa démolition.

Mais ce n’est qu’avec la Révolution que la destruction est effective. En quelques mois, la Bastille est rasée. A la place, un vaste champ de ruines va demeurer jusqu’au 19e siècle.

Plan de Turgot, 1739

C’est Napoléon Ier qui est à l’origine des premiers projets de réaménagement. Sur cette immense esplanade inutile et chaotique, l’Empereur donne notamment son accord pour la construction d’une immense fontaine, haute de 12 mètres, en forme d’éléphant ! Une maquette grandeur nature est construite ; elle restera en place jusqu’en 1830, attirant curieux, promeneurs et touristes et, pour l’anecdote, servira également de refuge à Gavroche dans Les Misérables.

Dernier projet de la fontaine de l’éléphant pour la place de la Bastille, JA Alavoine, 19ème siècle

Mais c’est avec Louis- Philippe surtout que la place prend son aspect actuel. Afin de célébrer les morts de la Révolution de 1830, le roi ordonne l’érection d’une colonne commémorative, couronnée d’un « Génie de la Liberté ». Cette « Colonne de Juillet », d’abord prévue en marbre, est finalement réalisée en bronze. Sur son fût, sont gravés les noms des 504 victimes tombées au cours des « Trois Glorieuses » (les 27, 28, 29 juillet 1830), cette autre « révolution » qui met un terme au règne de Charles X.

Dès lors, la place devient le nouveau « lieu à la mode » à la pointe orientale du Marais. Des immeubles sont construits sur son périmètre, des salles de spectacle également (comme les « Arènes nationales », une salle en plein air bâtie sous le Second Empire), et même une gare, en 1859 ! Celle-ci est édifiée sur l’emplacement de l’actuel Opéra-Bastille. La « coulée verte » et le « viaduc des Arts » dans le 12e arrondissement en sont aujourd’hui les derniers témoignages.

Gare de la Bastille ouverte de 1859 à 1969

Parmi tous les prisonniers « de marque », ennemis plus ou moins réels de la couronne, que ce soit par leurs actes, leur religion, leurs relations, leurs écrits, leur conduite on peut citer par exemple Fouquet, Voltaire, Beaumarchais ou Sade un seul reste encore à ce jour mystérieux : le fameux Masque de Fer.

Décédé semble-t-il à la Bastille au début du 18ème siècle, l’homme n’a jamais été réellement identifié et aujourd’hui encore son histoire se prête à toutes les hypothèses et à tous les fantasmes. En son temps, sa détention a également alimenté considérablement la critique contre la monarchie, son arbitraire et son absolutisme.

Elle a aussi nourri abondamment la légende noire de la Bastille au point que, bien après les événements de juillet 1789, les chroniqueurs firent courir le bruit que les révolutionnaires, explorant les profondeurs de la prison, avaient découvert dans une oubliette le squelette de l’homme portant encore son masque de métal…

Squelette découvert du masque de fer de la Bastille le 22 juillet 1789

 

Texte : Michel Setan – Instagram

11.11.19

POUR LES PASSIONNÉS D’HISTOIRE

Rue Vieille-du-Temple : le fabuleux chantier redémarre

Rue Vieille-du-Temple : le fabuleux chantier redémarre

Un hôtel de luxe verra le jour à l’issue des travaux. Au rez-de-chaussée, les anciennes écuries et remises à voiture accueilleront le restaurant sur la grande cour, tandis que la première cour, sur la rue Vieille-du-Temple, retrouvera deux commerces dans la continuité de son aménagement au 19e siècle.

Le festival du Marais, une fabuleuse histoire

Le festival du Marais, une fabuleuse histoire

Le Festival du Marais remonte à un temps que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître. Pourtant cet événement artistique de premier plan fut longtemps l’un des rendez-vous culturels les plus courus de la capitale. Pendant un quart de siècle, de 1962 à 1987, ce festival unique en son genre…

EN CE MOMENT SUR LE MARAIS MOOD

Les meilleurs salons de tatouages du Marais

Les meilleurs salons de tatouages du Marais

Le tatouage, pratique millénaire, a longtemps été l’apanage des repris de justice, des dockers, de la pègre et des marins. S’il s’est démocratisé, touchant désormais tous les profils et concernant un français sur cinq, dont 16% de femmes contre 10% d’hommes, il reste encore tabou en raison de son caractère définitif et transgressif.

Piccola Mia, les pizzas de la République

Piccola Mia, les pizzas de la République

Sur la place de la République vient d’ouvrir une brasserie aux accents italiens, qui a rapidement fait oublier l’ancienne Pizza Pino. Bienvenue chez Piccola Mia, fruit de la rencontre joyeuse entre le chef Italien Denny Imbroisi, le pizzaïolo Julien Serri et le mixologue Matthias Giroud qui signe une carte de cocktails créative.