Tavares Strachan à la galerie Perrotin, photo : Axel G.

C’est beau, impressionnant et surtout cela ressemble beaucoup à la pietà de Michel-Ange, celle placée à l’entrée de la basilique Saint-Pierre de Rome.

Normal, il s’agit d’une réplique ! Mais à un détail près. Ici, la Vierge Marie douloureuse tient sur ses genoux le corps du Christ descendu de la Croix avant sa mise au tombeau est remplacée par Louise Little et son fils Malcolm X.

Jamais l’intrépide défenseur des droits de l’homme afro-américain, assassiné en 1965 à New York, du temps ou la ségrégation raciale étaient encore une réalité aux Etats-Unis – n’avait été représenté de façon aussi poignante.

On est bouleversé devant cette œuvre pleine de grâce signée Tavares Strachan, une nouvelle star de chez Perrotin qui avait exposé à la biennale de Venise en 2019. L’artiste restitue à Malcolm X une humanité profonde en nous rappelant et que ce personnage historique fut aussi un l’enfant de quelqu’un. Le voici, au dernier jour de sa vie dans le bras de sa mère, elle aussi une figure de la lutte pour les droits civiques.

Tavares STRACHAN, Black Madonna (Alice Nokuzola “Mamcethe” Biko and Bantu Stephen Biko), 2022, Carrara marble, 271 x 95.5 x 79 cm | 106 11/16 x 37 5/8 x 31 1/8 inch, Photo: Claire Dorn, Courtesy of the artist and Perrotin

Dans deux autres pièces de la galerie Perrotin (entrée par l’annexe de la galerie, située impasse Saint-Claude), l’artiste né aux Bahamas expose les deux autres sculptures monumentales de cette trilogie noire.

Elles aussi sont sculptées en marbre de Carrare, pierre identique à celle employée par Michel-Ange. Une deuxième œuvre doloriste représente Alice Biko tenant dans ses bras les corps de son fils Steve Biko, l’étudiant et militant anti-apartheid d’Afrique du Sud mort de manière suspecte en détention en 1977.

La troisième œuvre met en scène Kadiatou Diallo et son fils Amadou Diallo. Ce dernier avait été abattu à New York en 1999, en bas de son immeuble par quatre policiers qui le suspectaient d’être un violeur. Quand le jeune guinéen mit la main à sa poche pour sortir ses papiers d’identité, les quatre policiers tirèrent 41 balles sur cet innocent. L’épisode tragique est d’ailleurs à l’origine de 41 Shots, une chanson de Bruce Springsteen.

Tavares STRACHAN, Black Madonna (Louise Little and Malcolm X), 2022, Carrara marble, 197.5 x 193 x 111 cm | 77 3/4 x 76 x 43 11/16 inch, Photo : Axel G

Foncez voir ces sculptures émouvantes et découvrez l’œuvre, ambitieuse et protéiforme, d’un artiste qui ressuscite les personnages invisibilisés par l’histoire, mais aussi les lieux, les objets, les œuvres d’art ou encore les dates liées au monde noir. Et cela, au moyen d’une encyclopédie à 1500 entrées qui se présente sous la forme d’une bible, religieusement exposé sous verre comme le serait une relique sacrée.

Mais son travail pour la reconnaissance du monde noir va encore plus loin. Très, très loin. Pour rendre hommage à Robert H. Lawrence, premier astronaute afro-américain de la Nasa (qui n’eut jamais la chance de partir en mission dans l’espace à cause d’un accident d’avion, à 32 ans, en 1967), Tavares Strachan a réalisé une sculpture en or à son effigie.

Elle n’est pas exposée chez Perrotin. Et pour une raison simple : l’artiste l’a envoyé dans l’espace. Elle tourne en orbite depuis 2018 en orbite et pour trois ans encore.

Jusqu’au 17 décembre 2022

Tavares Strachan
Galerie Perrotin

76 rue de Turenne, 75003 Paris
Du mardi au samedi de 10h à 18h
Fermé le lundi et le dimanche
Tél : 01 42 16 79 79

À voir aussi chez Marian Goodman les installations multimédia conceptuelles de l’artiste jusqu’au samedi 26 novembre

Galerie Marian Goodman
79 Rue du Temple, 75003 Paris, France

Du mardi au samedi de 11h à 19h
Tél : 01 48 04 70 52

Portrait of Tavares Strachan Courtesy of the Artist and Perrotin. Photography : Jurate Veceraite

Texte : Axel G.

18.11.22

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